Stomy Bugsy
Le show Lapin/Le Prince des Lascars
Fondu enchaîné entre un décor du Cap Vert (végétation tropicale, soleil) et une cité de Sarcelles (barre de HLM, nuages bas). Le petit Stomy est né là, mais ses parents viennent de l’île Atlantique.Stomy a grandi, il est fâché avec l‘école et avec tous les représentants de l’autorité, en général. Son héros se nomme Muhamed Ali. " Le plus grand ", la biographie du boxeur militant est son livre de chevet.
Et pendant qu’il s’entraîne dur à la salle et qu’il livre quelques combats amateurs, il passe au travers des mailles du filet qui s’abat sur nombre de ses amis.
Stomy Bugsy, lascar de Sarcelles, est touché par le hip-hop. Il danse, dépose quelques grafs (" tous pourris ", d’après lui) et tout naturellement passe au rap. Le Ministère A.M.E.R. démarre sa carrière discographique en 1991 avec le maxi " Traîtres ", puis l’album " Pourquoi tant de haine " en 1992. Stomy est le rappeur du Ministère avec Passi. Autour d’eux, Guetch le DJ, Kenzi le porte-parole et tout un Posse actif et farouchement indépendant impose un son carré et des textes sans fioritures dans l’underground.
La chanson " Brigitte femme de flic " commence à provoquer des remous du côté du Ministère de l’Intérieur. Le second album, " 95200 ", qui sort en 1994 , est salué par la critique comme le meilleur album de rap français de l’année. " Brigitte femme 2 " implique de nouvelles menaces d’interdiction et de censure de la part des autorités de tutelle de la Police Nationale. L’affaire s’envenime en 1995 avec le titre " Sacrifice de poulets " sur la compilation qui accompagne le film " La Haine ". La chanson, et une série d’interviews qui l’accompagnent, incitent le pouvoir à déposer plainte contre Stomy et ses acolytes pour provocation, incitation à la violence et autres billevesées.
Le Ministère A.M.E.R. est mis en vacances médiatiques, le temps pour Stomy Bugsy de signer un contrat solo avec Columbia.
A la Suite d’une rencontre musicale avec Doctor L. (remarqué auparavant comme DJ d’Assassin), Stomy enregistre un maxi de 4 titres, " Le prince des lascars " où il met en scène, sur des beats funky, son personnage de show lapin, de lascar, flambeur, noceur, hâbleur.
Un personnage cousin de ses héros au cinéma : Al Pacino, dans le rôle de Tony Montana dans le remake de Scarface de Brian de Palma, De Niro dans les films de Scorcese, Warren Beatty dans le rôle de Bugsy Siegel, le mafioso au grand cœur qui inventa Las Vegas..." Ma vie, c’est un film ! " C ‘est le credo du gangster d’Amour. Sur " Le calibre qu’il te faut ", Stomy est à la fois acteur, metteur en scène, scénariste, et attaché de presse des aventures picaresques, d’un jeune des cités qui a décidé de grimper au sommet du monde.
Cette surperproduction, orchestrée par Doctor L et par Stomy lui-même, est une succession de scènes de drame et de comédie. Comédie familiale, comme " Ho Lé Lé Lé " qui décrit un mariage cap-verdien, ou comme " Mon papa à moi est un gangster " ou le quotidien du gangster d’amour vu par son fils.
Comédie de genre comme " La guerre du rap ", une joyeuse manière de se payer la tronche de tous ceux qui se prennent au sérieux dans le microcosme du rap hexagonal. Cet humour ravageur et ce sens des situations légères n’empêchent pas Stomy de nous balancer en pleine figure des drames et des films d’action, saturés de crime, de violence, de trahisons et de commentaire social.
Ainsi " L’ouvrier ", un rap naturaliste qui est un hommage à son père en même temps qu’une expérience de petits boulots d’adolescent sur les chantiers. "
Stomy vu par son cousin Nelson Solnes
Mes forces décuplent quand on m’inculpe " qui relate son expérience judiciaire dans un pays où la liberté d’expression est, en principe, inscrite dans la Constitution. " Brève évasion " qui raconte ses échanges en stage à durée déterminée au frais de l’Etat. "C’est la merde et tu le sais ", constat sans concession de la condition d’immigré vivant en banlieue.
Et puis des films de gangsters, brutaux, vifs, latins, comme " Les balances ne mentent pas ", " Quand Bugsy dégomme ", "J’avance pour ma Familia " (avec le renfort de tous ses pairs, rappeurs underground de Sarcelles et alentours), ou encore le Scorcesien " Dernier pas dans la Mafia ", un duo avec Chill / Akhenaton d’IAM, véritable plongée dans les bas-fonds, avec les balles qui vous sifflent aux oreilles, le code d’honneur et la mort dans le caniveau.
N’attendez pas de voir " Le Parrain 4 ", il est là, ramassé en quelques minutes, dans l’album de Stomy !A l’heure où le rap français devient l’os à ronger du business, il est temps de choisir sur quel cheval miser.
Les faux rois de la tchatche ne font pas illusion à côté du Prince des Lascars, celui qui a vécu, celui qui sait, celui qui a pris des risques et qui crochète la face avec un son énorme (et fabriqué en France !) et des histoires assorties.